Albus Conseil
 LE MAGAZINE

La réorganisation systématique, poison du changement

La réorganisation systématique, poison du changement
La réorganisation systématique, poison du changement

/Repenser les organisations

Chaque salarié a 50% de chance que le service dans lequel il travaille soit réorganisé cette année. Ce n’est pas une statistique mathématique mais une constatation : chez nos clients, un schéma d’organisation dure en moyenne 2 ans. La raison ? on conçoit de moins en moins le changement sans toucher à l’organigramme, on a peur de faire un projet vide, mou, cosmétique si on ne réorganise pas. Nous pensons que loin de l’aider, la réorganisation peut tuer le changement.

 

La réorganisation est souvent l’arbre qui cache la forêt

Cela est frappant quand vous observez un manager, en réunion, présenter à son équipe un projet de réorganisation.

Lors de la présentation du contexte et des facteurs qui expliquent le besoin de changer, les gens sont peu attentifs et attendent de voir où sera leur nouvelle place. Au moment de la présentation de l’organigramme les yeux sont grands ouverts, on regarde son nom et celui de son futur chef. Ensuite on échange regards et chuchotements pour commenter la nouvelle composition d’équipe pendant que le chef essaye tant bien que mal de présenter les axes de travail et le calendrier.

Cela résume assez bien le problème d’un changement avec réorganisation : on ne voit que ça.  Et ensuite, une fois l’organigramme digéré, on se plaint du manque de sens et de l’amateurisme de la mise en œuvre opérationnelle. Et la période de flou commence… 

Souvent – vu de l’extérieur – le changement d’organisation est même invisible.

C’est à la fois légitime (chacun veut savoir quelle sera sa place avant de s’intéresser à la dynamique collective) et contre-productif puisque, en prenant de la hauteur, tout le monde admet que le nouvel organigramme ne va finalement pas changer grand chose et que c’est bien l’ambition collective qui importe. Il est rare que l’on demande à quelqu’un de changer de métier du jour au lendemain, qu’on lui apprenne en collectif qu'il va changer de continent. Souvent – vu de l’extérieur – le changement d’organisation est même invisible.

Oui, mais voir son nom dans une boîte, c’est toujours un moment émotionnel. Qu’on le veuille ou non, il polarise l’attention.


Réorganiser, la meilleure façon de vous faire des ennemis

A la manière d’un sélectionneur de l’équipe de France, quand vous changez des combinaisons de jeu, le fonctionnement collectif, vos décisions sont accueillies avec un certain crédit d’intention. En revanche, si vous changez les joueurs, les critiques fusent et chacun se sent l’âme d’un sélectionneur. Et pour un peu que vous changiez tous les deux mois, vous avez bientôt tout le monde contre vous.

Un changement d’organisation, quand il n’est pas frénétique, peut permettre de réveiller par la polémique qu’il suscite une équipe endormie dans une inertie de confort.

En entreprise, c’est pareil. Le changement d’organisation est une méthode infaillible pour vous mettre des acteurs à dos.

Ce qui est frappant, c’est que vous réussissez alors l’exploit de fédérer contre vous des acteurs très différents : ceux qui trouvaient l’ancienne organisation très bien comme ça, ceux qui trouvent la nouvelle totalement inepte, ceux qui considèrent que vous êtes un inconstant qui change tout le temps d’avis, ceux qui regrettent que l’on revienne en arrière de 10 ans avec ce schéma-là, etc.

Nous ne recherchons pas le consensus et nous sommes d’accord pour dire qu’un changement ne peut pas plaire à tout le monde. Nous sommes même d’avis qu’un changement d’organisation, quand il n’est pas frénétique, peut permettre de réveiller par la polémique qu’il suscite une équipe endormie dans une inertie de confort.

Mais, tel un ressort qui se détend, c’est une technique qui devient vite inefficace et qui peut rendre de plus en plus défavorable le rapport opposants/alliés de vos projets de changement.

Et puis cela vous oblige à entrer dans un débat qui vous éloigne du vrai sujet : celui du changement pour lequel la réorganisation n’est finalement qu’un moyen. Un changement qui bien souvent est absent des discussions, puis oublié.


Changer sans réorganiser, c’est accepter de changer vraiment

Ce qui est bien pratique avec le changement d’organisation, c’est que l’on est sûr de changer quelque chose. Ce n’est pas forcément accepté, compris ou efficace et même, comme on l’a dit plus haut, pas forcément visible dans les faits de l’extérieur, mais on a changé. Ouf !

Cela peut paraître idiot, mais la peur de certains managers que nous rencontrons, c’est d’avoir un projet trop abstrait, « qui sonne creux » et qui ne serait finalement qu’un projet de communication. La réorganisation semble être une réponse parfaite à cette peur : ce n’est pas abstrait puisque, excusez-moi du peu, on a RÉORGANISÉ quand même !

Changez d’abord, montrez une ambition et des enjeux de conquête sans annoncer une réorganisation future.

Nous croyons de plus en plus que le changement sans réorganisation est un acte de courage qui, justement, permet de changer vraiment. Puisque l’on n’est plus couvert par l’assurance d’un faux-semblant, il va falloir que le changement se voit autrement : une meilleure transversalité, une mentalité différente dans l’équipe, des résultats qui montrent que quelque chose a changé, etc.

Nous accompagnons actuellement un site industriel qui a choisi de mener un projet consistant, pour faire court, à simplifier. Pas de réorganisation supplémentaire, pas de méthode révolutionnaire à laquelle tout le monde devrait se former, pas de changement de personnes, juste un état d’esprit à partager et sur lequel chacun, quel que soit son niveau, peut et doit participer. Et bien ce projet, qui a légitimement pu générer de la perplexité au départ, est dix fois plus responsabilisant et exigeant que la majorité des réorganisations que nous observons par ailleurs. 

Bien sûr, la réorganisation est parfois inévitable, elle est un moyen souvent nécessaire et potentiellement efficace dans certains contextes. Nous sommes alors partisans, quand cela est possible, de déconnecter au moins temporellement le changement de la réorganisation. Changez d’abord, montrez une ambition et des enjeux de conquête sans annoncer une réorganisation future. Puis, quand le changement est amorcé, mettez en place un nouvel organigramme qui permettra d’aller plus loin. C’est non conventionnel mais dans votre esprit et dans ceux de vos collaborateurs, l’organigramme sera au service du changement et non l’inverse. 

En espérant que cette année, vous serez plus nombreux à vivre des changements sans réorganisation que des réorganisations sans changement !

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