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La revanche managériale d’Arthur

La revanche managériale d’Arthur
La revanche managériale d’Arthur

/Interroger sa posture managériale

Au fil de nos expériences, nous sommes amenés à croiser de très nombreux styles de management, des postures diverses, des myriades de bonnes pratiques. Mais nous n’avons croisé que deux grandes philosophies de management.  L’une dont l’archétype pourrait être le roi Arthur et pour l’autre son (pas si) fidèle Lancelot. Si Lancelot semble parfois prendre le dessus, nous militons pour la revanche d’Arthur !


Le manager Lancelot, l’exigence en étendard

Lancelot est le meilleur de tous les chevaliers, il est tour à tour le meilleur allié puis le principal adversaire d’Arthur. Lancelot, c’est le méritocrate. Tout ce qu’il a obtenu, il ne le doit qu’à lui. Il est très exigeant avec lui-même et donc très exigeant avec les autres. Cela lui permet d’obtenir des victoires éclatantes. Il est tellement droit, légitimiste, que la moindre entorse à la règle est une trahison. Son autorité, il la doit à son exemplarité, il est le chevalier parfait. 

L’obligation de résultat, le niveau d’exigence, l’intransigeance vis-à-vis de certaines valeurs, voilà les attributs du manager Lancelot.

On peut reprocher à Lancelot une certaine froideur, due à la fois au côté sans faille de son action mais aussi à son intransigeance vis-à-vis des faiblesses des autres. Une des raisons de la scission avec Arthur est son mépris pour les autres chevaliers, si peu efficaces dans la quête du Graal.

Si le « modèle Lancelot » a toujours existé, il semble être particulièrement à l’image de notre époque. Nombre de managers puisent, ou croient puiser, leur légitimité par l’exemplarité de leur posture, par le niveau des résultats obtenus, par le fait d’avoir attiré les meilleurs autour de soi. 

L’obligation de résultat, le niveau d’exigence, l’intransigeance vis-à-vis de certaines valeurs, voilà les attributs du manager Lancelot. Il va chercher les meilleurs outils, ne renonce à aucun objectif même les plus ambitieux, ne renonce jamais. C’est une recrue de choix pour un top management qui veut sécuriser un périmètre, et s’assurer « que ça délivre ».

 

Le manager Arthur, la responsabilité et le sens

Arthur est un personnage qui incarne le sentiment de la responsabilité. Il est le principal responsable des réussites et, au moins aussi nombreux, des échecs de la quête du Graal. Guerrier redoutable, ce n’est pourtant pas sur ses exploits personnels que s’est construite sa légende. C’est lui qui définit et lance la quête mais ce n’est presque jamais lui qui combat. Ses victoires viennent de sa sagesse, de sa capacité à fédérer et plus encore, de sa volonté d’offrir à des gens ordinaires, et parfois faibles, une destinée extraordinaire. De donner à chacun des aspirations plus nobles et l’occasion de les réaliser.

Trouver le Graal est finalement secondaire, c’est le chemin qui compte. Est-il enthousiasmant et apprenant ?  Permet-il à tous, même aux plus faibles, d’être fiers ?

On peut reprocher à Arthur d’avoir échoué (il finit tué par son propre fils dans un combat à mort… triste fin !) mais son projet, lui, aura captivé des siècles et des peuples entiers. Il n’est pas vraiment d’un comportement exemplaire mais son aventure le sera, elle, plus que toutes les autres.

Le manager Arthurien ne puise son autorité que dans l’action qu’il propose à ses collaborateurs. Sa légitimité dépend de sa capacité à fédérer les acteurs sur son projet et de l’intérêt des rôles qu’il leur propose. 

Arthur se donne une obligation de moyens. Trouver le Graal est finalement secondaire, c’est le chemin qui compte. Est-il enthousiasmant et apprenant ?  Permet-il à tous, même aux plus faibles, d’être fiers ? Si oui, le but est secondaire car le cheminement est, de toutes façons, utile.

 

Les deux philosophies font leurs preuves

Ces deux modèles de leadership que nous venons de décrire, nous les rencontrons dans les entreprises au top niveau et dans les strates intermédiaires. Première constatation, tous les deux sont viables et potentiellement efficaces. Le manager Lancelot atteint régulièrement les objectifs fixés alors qu’Arthur obtient des progrès moins spectaculaires, mais souvent plus complets et durables. 

Lancelot est meilleur dans le pilotage et la gestion de crises et Arthur est meilleur dans le développement des collaborateurs et dans la gestion sociale. Que ce soit en haut (actionnaires, dirigeants) ou en bas, on aime notamment l’alternance des deux profils. De façon caricaturale, on veut des « Arthur » pour semer puis des « Lancelot » pour récolter. 

Pour faire une comparaison sportive:

  • Aimé Jacquet est un entraîneur Arthurien, ce qui se voit dans ses décisions (sortir Cantona et Ginola avant l’Euro 1996 alors qu’ils sont de grandes stars) et dans ses déclarations (voir dans « Les yeux dans les Bleus » les exhortations aux joueurs à être eux-mêmes). Au final : une éclosion lente mais une réussite durable (Coupe du Monde  1998 puis Euro 2000, après son départ).
  • José Mourinho est un pur Lancelot : il guide ses choix par l’utilité qu’il peut en ressortir rapidement (ex : il change 4 fois de club en 10 ans), il veut le meilleur (club / joueur / budget) et est prêt à toutes les déclarations et toutes les pressions pour faciliter le succès. Il a remporté 21 trophées en 10 ans, un record.

S’ils ne peuvent pas être plus différents l’un de l’autre, les deux ont obtenu des victoires remarquables, les deux ont leurs partisans et leurs détracteurs. 

Ce n’est donc pas l’efficacité de l’une ou l’autre de ces philosophies managériales qui est en cause, c’est une question de conviction, de valeurs, d’aspiration.

 

Arthur, reviens !

Préféreriez-vous Aimé Jacquet ou José Mourinho pour entraîner votre équipe ? Une grande majorité des amateurs de football choisirait le portugais si un tel choix était proposé. Et de fait, depuis 20 ans, le modèle Lancelot paraît dominer sans conteste.

Plus fiable, plus moderne, plus concret… Lancelot est une valeur sûre. Verrouillé sur son objectif, il ne lâche rien et remplira sa mission coûte que coûte. Bien sûr, cela aura des effets secondaires : quelques démissions, une tension du dialogue social, une démotivation relative des collaborateurs. Mais rien de définitif et surtout des gages de performance donnés aux actionnaires peu regardants des moyens employés si le résultat est là.

Les Lancelot ont tendance à sur-performer les rôles intermédiaires mais à plafonner dans les organisations : ce sont de bons soldats et de bons capitaines, pas plus.

Nous sommes évidemment des défenseurs de la philosophie Arthurienne. D’abord pour le manager lui-même, car un manager Lancelot finit souvent par s’isoler. Il s’isole de ses équipes à cause de son intransigeance, de ses pairs car sa hargne le rend souvent maladroit dans les rapports transversaux, de ses chefs aussi – au bout d’un moment -  qui apprécie sa combativité dans les rôles intermédiaires mais ne veulent pas (surtout en France) d’un pyromane des relations sociales aux postes-clés. Les Lancelot ont tendance à sur-performer les rôles intermédiaires mais à plafonner dans les organisations : ce sont de bons soldats et de bons capitaines, pas plus.

Et puis pour tout ce que promet un manager Arthurien : donner du sens à l’action quotidienne, faire progresser durablement ses collaborateurs, lancer des aventures collectives enthousiasmantes.

Dans la série Kaamelott, Alexandre Astier fait dire à Pierre Mondy qu’un grand chef se distingue en se battant pour « la dignité des plus faibles ». C’est exactement la philosophie Arthurienne. Elle manque aujourd’hui dans l’entreprise car elle est trop peu représentée. Elle apporte pourtant confiance, efficacité pérenne et fierté.

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