Albus Conseil
 LE MAGAZINE

Managers, tirez sur vos bons soldats !

Managers, tirez sur vos bons soldats !
Managers, tirez sur vos bons soldats !

/Interroger sa posture managériale

Assez fréquemment, on voit dans les entreprises se former des équipes de bons soldats. Alors, sur le papier, soyons honnêtes, c’est alléchant. Efficaces, fiables, ils délivrent et ça nous rassure. Mais cette situation est-elle vraiment profitable pour vous et pour votre entreprise sur le long terme ? Et quelles en sont les implications pour vos bons soldats ? Je vous propose d’y réfléchir ensemble.

 

On a tendance à s’entourer de bons soldats et à les promouvoir

Dans nos équipes, on a tendance à recruter ou s’entourer de profils similaires au nôtre. Parfois, ce n’est pas conscient, mais souvent, c’est avec eux qu’on a le feeling en entretien, et puis c’est quand même bien plus simple de communiquer et de travailler avec des personnes qui fonctionnent comme nous. Les ressemblances sont parfois telles, que le collaborateur prend son manager comme modèle vers lequel tendre. Il fait tout ce qui est en son pouvoir et met toute son énergie pour être à la hauteur : il va vite, rend un travail toujours impeccable, respecte les délais en ayant toujours cette petite voix dans un coin de sa tête « mais comment mon manager aurait fait à ma place ? ». Au final, quand on est manager et qu’on a un bon soldat dans notre équipe, on est rassuré. 

D’ailleurs, c’est souvent les bons soldats qu’on veut promouvoir. On les identifie comme talents, ressources précieuses et on les met dans tous les projets à haute visibilité ou qui peuvent contribuer au développement futur de l’entreprise. 

En fait, on se voit en eux, du coup on est fiers de promouvoir nos poulains. On leur donne le coup de pouce qu’on n’a pas eu à notre époque et on en jubile. Ils sont notre prolongement, et nous, leur modèle.

En retour, ces collaborateurs se sentent redevables qu’on leur fasse confiance, qu’on mise sur eux et une sorte de loyauté implicite s’instaure envers le manager. Cette loyauté est entretenue voire exacerbée par une injonction à tout réussir par des petites phrases telles que « je compte sur toi », « ne me déçois pas » qui sous-entendent que les collaborateurs partent au combat et seule la victoire est à la hauteur des attentes de leur manager.

 

Le problème, c’est qu’en plébiscitant les bons soldats, les managers se tirent une balle dans le pied

Le problème de s’entourer de mini-nous loyaux est double. 

Pour les collaborateurs, l’injonction voire même la pression à réussir se traduit par « je dois être comme toi », « je dois faire comme si c’était toi ». Cela gomme donc toute prise d’initiatives et tout leur antagonisme, c’est-à-dire leur capacité à faire preuve d’un esprit créatif et critique, dans le but de donner de la robustesse aux projets de leur manager. Dans les deux cas, cela est perçu par le manager comme hors du cadre de ses attentes et donc impropre à l’expression. Mais cela revient à nier la singularité de leur collaborateur, à oublier qui ils sont, à laisser de côté leur âme d’enfant curieux et capable de remettre les choses en question dans le seul but de tendre vers leur modèle : vous, leur manager. C’est ce qu’exprime bien Kurt Cobain lorsqu’il affirme que « vouloir être quelqu’un d’autre, c’est gâcher la personne que vous êtes ». Et si on tire le fil, et qu’au fur et à mesure, tous les bons soldats deviennent presque une armée de clones, comment ferez-vous la différence entre eux ? A qui confierez-vous telle ou telle tâche ? Qui choisirez-vous pour être promu à tel poste ?

Quant au manager, s’entourer de bons soldats produit une forte synergie autour de lui : dans tous ses moments de partage avec ses collaborateurs, ils sont tous d’accord avec lui et vont dans son sens, sans remettre ses idées en question ni exprimer un point de vue différent. Les managers ne sont donc pas challengés, et se retrouvent souvent en posture de « sachants », incapables d’envisager une autre solution, une autre idée que la leur, puisqu’ils ont pris l’habitude qu’elles fassent l’unanimité. En situation extrême, on en arrive à Trump et ses « trumpistes », qui lui vouent un culte, peu importe l’absurdité qu’il sort. Au final, plus personne n’est capable de lui dire si ce qu’il propose fait sens, ce qui aboutit aux dérives que l’on connait : un ayatollah du savoir qui ordonne à ses exécutants. Un management « top down » finalement …

 

Alors reprenez la balle au bond, et renvoyez-la-leur !

Avoir des bons soldats dans son équipe, ça peut aller un temps car ça nous rassure en tant que manager, et ça permet aux collaborateurs de se former, mais ce n’est pas une situation pérenne. Vous ne pouvez pas vous en satisfaire, vous ne pouvez pas les laisser tranquilles pour toutes les raisons évoquées plus haut. Il est temps de changer votre fusil d’épaule car vous avez besoin d’eux pour vous développer, autant qu’ils ont besoin de vous pour s’affirmer.  

Alors c’est sûr, ça ne va pas être facile. Et je me demande également comment faire car qu’est-ce que ça veut dire ? Il faut arrêter d’être gentil ? Passer du « rapide efficace » au « lent moins performant » ? Ne plus solutionner les problèmes et donc générer du chaos ? Au final, c’est à vous d’y réfléchir et de trouver votre propre méthode. Vous pouvez commencer par tester quelques « quick wins » pour vous aiguiller. 

Tout d’abord, allez réveiller l’antagonisme de vos collaborateurs : interdisez-leur systématiquement pendant un temps d’être d’accord avec vous, même si vous êtes persuadés d’être sur le bon chemin. Cela les forcera à réfléchir à un autre angle, presque comme un jeu. Vous verrez, ils y prendront goût, surtout si ce sont leurs idées qui sont finalement retenues. D’autre part, essayez de déconstruire tactiquement le « modèle » que vous avez donné jusqu’alors pour en façonner un autre : challengez devant eux votre manager à vous, mettez-vous en posture de rebelle dans des réunions d’équipe. En bref, surprenez-les pour qu’ils s’accordent le droit de le faire également. 

Ensuite, sortez-les de leur posture d’exécutants. Donnez-leur plus de marge de manœuvre sur leurs sujets, notamment en les autonomisant et en les laissant prendre des décisions par eux-mêmes. S’ils vous sollicitent constamment pour valider ou solutionner des problèmes, refusez de leur donner une réponse ou une solution trop rapide, et cherchez à ce qu’ils la trouvent par eux-mêmes. 

Enfin et surtout, préparez-vous. Entrainez-vous à accueillir le challenge de la part de vos collaborateurs, et à aimer ça. Plus votre posture sera ouverte, et plus vos équipes auront envie de tenter certaines actions.

Rechercher dans le Magazine et les Podcasts

Recherche par #TAG
Recherche par Thèmes