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Retrouvez une place à l’inutile au travail

Retrouvez une place à l’inutile au travail
Retrouvez une place à l’inutile au travail

/Changer le regard sur la performance

Depuis autant qu’on s’en souvienne, presque tous les grands changements des entreprises ont un point commun : la recherche d’efficacité. Comment faire plus ou mieux dans le temps disponible. C’est un dogme. A ce dogme s’est ajoutée récemment une tendance : le « tout utile ». Les deux ensemble ont éradiqué les moments gratuits de la vie professionnelle. C’est une erreur majeure !


La recherche d’efficacité et le « tout utile », une quête sans fin

Raoul arrive au travail à 8h, il aime bien arriver plus tôt pour traiter ses mails avant que les collègues arrivent. Ensuite, il se rend au stand meeting : c’est pratique de prendre un café en faisant le point avec l’équipe sur les éléments-clés, tout le monde debout et en seulement 15 minutes. Deux réunions projets plus tard, working lunch avec ses pairs pour préparer l’événement du mois prochain sur le lancement du nouveau produit, puis café-feedback avec deux n-1 comme tous les mardis, l’enchaînement des routines opérationnelles en mode agile (c’est bien mieux qu’avant) et il est déjà 18h. Cool, le mardi c’est l’afterwork innovation, on prend un verre et deux start-up pitchent leurs story. Encore une journée efficace !

Il manque quelque chose d’essentiel : il n’y a rien de gratuit

La journée de Raoul est loin d’être horrible, elle ressemble à beaucoup d’autres. Bon, il y a les anglicismes qui énervent mais sinon, il y a tout : de la méthode, du convivial, des projets, du quotidien, des échanges, etc. Pourtant, il manque quelque chose d’essentiel : il n’y a rien de gratuit. Pas un moment qui ne sert pas à quelque chose, pas d’évasion, pas de respiration. 

Et encore, nous pourrions remonter plus loin : les trajets passés sur le smartphone à traiter les mails, aller sur linkedin ou Instagram, écouter des podcasts souvent en lien avec nos métiers.  

Nous sommes dans le règne du tout utile, celui où l’on rêve de mettre plus d’une journée dans une journée. Et on en tire plein de bénéfices : pas de temps perdu, plus de temps d’attente (les plus anciens repensent mi-nostalgiques, mi-horrifiés des minutes d’angoisse à attendre l’arrivée d’une personne en retard avec qui on avait rendez-vous et à qui on ne pouvait envoyer de SMS). Nous sommes devenus des hommes et des femmes augmentés, optimaux. Et on en est fier, même les pauses café sont désormais des réunions projet informelles.


Et tout ça ne nous rend pas meilleurs, au contraire…

Si ce mode de vie et cette quête de l’efficience nourrit notre satisfaction de nous sentir utile, nous rend-elle meilleurs dans notre travail : les ouvriers sont-ils plus compétents, les chercheurs et les marketeux plus créatifs, les dirigeants plus visionnaires et plus stratèges… ça se discute !

Sans tomber dans le « c’était mieux avant » qui serait faux et qui nous vieillirait aux yeux de nos lecteurs, admettons néanmoins que des défauts ont pris de l’ampleur. Nous avons de plus en plus de mal à prendre du recul, et tous nos clients nous disent à quel point eux et/ou leurs équipes ont le nez dans le guidon, aspirés par le court terme. Le cloisonnement entre services aussi est présent presque partout, malgré les réorganisations qui ne font que changer les cloisons de place. La difficulté à sortir du cadre, à être créatif, malgré le foisonnement d’outils d’intelligence collective. Voici des maux qui ont le vent en poupe. 

En fait, l’inutile est utile a posteriori mais au bureau, on culpabilise…

Leur point commun, pour nous cela ne fait aucun doute, c’est le manque de respiration. Le manque de moments pour se déconnecter, sortir du tunnel, prendre de la distance pour prendre de la hauteur, etc. Bref, le manque de pause dans le « tout utile » par de l’inutile, du gratuit. 

C’est l’image du savant dans la Lune : en laissant filer votre cerveau, il se met à faire des connections très efficacement avec ce qu’il a emmagasiné peu avant. Après une activité cérébrale intense, un temps de repos ouvre la voie aux connections inattendues, à l’inspiration.

C’est la raison pour laquelle nos meilleures idées viennent sous la douche, en cuisinant, en marchant, en se rasant… En fait, l’inutile est utile a posteriori mais au bureau, on culpabilise…


Comment faire pour remettre de l’inutile dans le travail

Si auparavant, il y avait des moments inutiles obligatoires (le transport sans smartphone, la pause café sans mail à traiter) et qu’aujourd’hui, il y a encore des moments rendus inutiles involontairement (bugs d’ordinateurs, réunions inefficaces), il faut être volontaristes voire courageux pour remettre de l’inutile choisi et agréable dans nos vies professionnelles. C’est donc un travail de leader, de manager, et un vrai choix que de se saisir de ce sujet.

Le risque d’abus ? On en est loin croyez-moi.

Oser faire un séminaire sans plan d’action par exemple (ce qui d’ailleurs est plus efficace selon nous) quitte à se faire reprocher un manque de concret, ou d’engagement, voilà qui permet de discuter sans injonction d’utilité, d’oser s’égarer, se tromper. 

Amener vos équipes au Musée avant de commencer une journée de travail au vert. Pourquoi ? pourquoi pas ! Pour faire autre chose, pour penser à autre chose. Pourquoi vouloir toujours faire un warm-up utile ?

Encore mieux, montrer à vos équipes qu’il est possible de ne rien faire pendant un temps au travail : bayer aux corneilles, buller… ce que l’on fait parfois en cachette, avec honte, mais par nécessité et que l’on pourrait très bien assumer publiquement comme un besoin naturel afin de donner l’autorisation aux autres de le faire quand c’est nécessaire. Le risque d’abus ? On en est loin croyez-moi. 

Un jour une membre de notre équipe, en guise de feed-back positif, a dit à l’un de nos managers qu’il « glandait bien ». Et bien je peux vous dire que c’est un acte managérial courageux et efficace !

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