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« Salomon, vous êtes juif ? » Manageons-nous comme de Funès ? Ou comme Trump d’ailleurs ?

« Salomon, vous êtes juif ? »  Manageons-nous comme de Funès ? Ou comme Trump d’ailleurs ?
« Salomon, vous êtes juif ? » Manageons-nous comme de Funès ? Ou comme Trump d’ailleurs ?

/Interroger sa posture managériale

Il est rigolo de Funès. Mais moi j’ai l’impression d’en voir tous les jours des managers qui ignorent complètement leurs propres défauts, et qui ne s’intéressent qu’en superficie à leurs employés. Et vous ?

 

Les intentions oui. Mais les actes ?

La période est à l’hyper marketing de soi-même. Réseaux sociaux bien sûr, mais aussi recherche d’approbation collective, de réputation. On cherche à être un meilleur manager en soignant sa comm. Et du coup, nous qui regardons les managers de l’extérieur comme le spectateur devant son film, sommes témoins des grandes déclarations de chacun. Combien j’ai rencontré de « managers à l’écoute », « qui laissent leur porte ouverte », « qui donnent le droit à l’erreur », « qui laissent des libertés tant que le résultat est atteint », « qui respectent les différences, n’excluent pas », « qui aiment leur boîte et leurs collègues » ? Bref, en écoutant les managers parlant d’eux-mêmes, les intentions sont nobles, mais entravées par quelques fous furieux, qui nécessitent qu’ils prennent des actions contraires à leur volonté, mais que voulez-vous « on n’a pas le choix »…

Ou bien sommes-nous tous un peu comme De Funès dans Rabbi Jacob ?  Sûrs de notre bon droit et ignorant totalement nos tares, parce qu’enrobés dans un magma trop épais de bonnes intentions ? Sommes-nous en train de nous convaincre nous-mêmes de notre vertu en considérant nos valeurs, mais en mettant de côté nos actes ?

Vous l’avez compris, je crois malheureusement que nous manquons de lucidité sur nous-mêmes : comme de Funès, il me semble que les dérapages sont fréquents, sur des sujets variés :

  • Les humanistes convaincus ont vite fait de virer le faible et de choyer le fort pour préserver leurs résultats, leur carrière, le fonctionnement de leur équipe.
  • Les décentralisateurs revendiqués imposent très souvent leur loi, même après décision publique et argumentée de leurs collaborateurs.
  • Les apôtres du sens plutôt que de l’appât du gain sont souvent assez complaisants avec les primes et bonus quand ils sont concernés.
  • Les gentils avocats de la diversité acceptent-ils toujours les peu rigoureux (mais créatifs), les râleurs expérimentés, les femmes très émotives ? Sont-ils étrangers à ces clichés ?

Je crois que nous, humains, avons un art de justifier nos propres actions, de les voir avec un regard complaisant, quitte à être parfois totalement ignorants de nous-mêmes. Louis de Funès a fait de cet art un chef d’œuvre pour notre bonheur… Trump en a fait une politique, mais ça me fait moins rire.

 

Dieu merci, on a des coupables !

La solution pour que notre cerveau se sorte de ce douloureux écart entre nos actes et la perception qu’on en a, c’est souvent les coupables :

  • De Funes a les Juifs, les Belges, les Allemands ou les Suisses, en tous cas dans ce film.
  • Trump a les Mexicains, le New York Times, les Allemands également, les Chinois.

Nous dans nos entreprises, on a les Chinois aussi, Amazon souvent, nos politiques, et puis évidemment, le collègue, l’autre service, le chef, le covid, le système, la pluie.

Le coupable est la solution pour maintenir l’illusion psychologique. Et en particulier ce coupable spectral qu’est le système et qui justifie tout : « je n’ai pas pu faire autrement » « Si je ne le faisais pas, un autre l’aurait fait ».

En occident, cette recherche de responsable et de coupable pour tout montre que le syndrome Victor Pivert est élevé au rang des institutions, judiciaires notamment, à la demande d’une population qui n’arrive pas à accepter qu’elle est aussi coupable de ses actes, et pas seulement victime.

Petit exemple canonique du moment avec Amazon vu comme le méchant à tous les coups, en oubliant que le géant américain ne vend rien sans que quelqu’un ne l’achète. Ce n’est pas eux qui tuent le petit commerce. C’est le consommateur qui choisit la facilité plutôt que ses valeurs…

Les juifs ont bien-sûr été, et de façon autrement plus dramatique, des coupables pour ce que d’autres refusaient d’assumer.

 

En management, sachez écorner votre légende pour réconcilier vos valeurs avec la réalité

« Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende ». Voilà ce que disait John Ford dans le magnifique « L’Homme qui tua Liberty Valance », qui marque la fin de l’utopie américaine au cinéma, en 1962…. Plus de 50 ans plus tard, Trump a montré la légende dans laquelle la réalité est totalement absente.

Ne nous laissons pas bercer par l’histoire qu’on se raconte de nous-mêmes. Le management est une mission humble. On ne peut pas être aimés à tous les coups, on ne peut pas plaire à tous, on ne peut pas réussir tout le temps.

La légende, c’est l’histoire que l’on se raconte pour justifier ses choix d’un instant. Et on y arrive toujours. Je m’amuse souvent des récits de bistrot où 2 personnes se racontent leur courage avec leur chef, la punch line qu’ils ont trouvée et balancée pile au bon moment. Au bistrot c’est marrant, mais dans la vraie vie, pas souvent de punch line, et bien plus de colère, de lâcheté ou de silence. Nos choix de vie, de managers, ont des qualités et des défauts. On se trompe quand on est en colère ou fatigué. On se trompe souvent quand on manage.

Je me targue par exemple d’avoir peu de posture, et un management très direct. En quelques secondes, cela peut devenir une légende, celle de l’honnêteté et du courage. Mais la réalité c’est que c’est aussi parfois blessant ou peu constructif. N’imprimons pas la légende pour nous, et ne l’imprimons pas pour les autres. Je me méfie des commentaires trop hagiographiques. Un tel est un génie (sauf pour de Funes ;-)), une telle est si intelligente, si juste, si pondérée, si charismatique. L’admiration a sa place dans les liens managériaux, elle rend les relations profondes et durables. Mais l’admiration doit être teinté de critiques, d’angle.

Les personnages de De Funès et Trump nous donnent le contre mode d’emploi pour éviter leur syndrome : 

  • Refuser les coupables faciles
  • Faire des contestations des opportunités de réfléchir et progresser
  • Admettre que plaire n’est pas un objectif
     

De Funès ne fait que nous imiter, ne l’oublions pas.

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